Garder les poules plus longtemps en production bio
L’alimentation en phases des poules pondeuses tient compte de l’évolution des besoins nutritionnels tout au long de la période de ponte. En cas de rotation prolongée, qui inclut une phase de production étendue, il devient crucial de garantir une alimentation de fin de ponte adaptée. Celle-ci favorise la santé globale des poules tout en préservant leur performance de ponte et la qualité des coquilles.
Photo: Nadja Zimmermann
En bref
- L’aliment de fin de ponte prévient les excès de nutriments et réduit le risque de stéatose hépatique.
- La rotation prolongée optimise le potentiel des poules pondeuses, mais requiert une gestion attentive.
- Pendant la rotation prolongée, la famille Tschann nourrit ses poules pondeuses bio avec un aliment de fin de ponte.
Les besoins nutritionnels des poules pondeuses évoluent au fil de la période de ponte. L’alimentation en phases, qui consiste à nourrir les animaux selon leur stade physiologique, permet de réduire les excédents comme les carences en nutriments, contribuant ainsi à la bonne santé des animaux ainsi qu’à la rentabilité de l’exploitation. Cette approche assure aussi une utilisation plus efficiente des ressources, allégeant la pression sur l’environnement. Pour opérer la transition alimentaire, il est important de prendre en compte l’état général des poules, sachant que le changement de phase varie d’un troupeau à l’autre. D’une manière générale, avec l’âge, la sensibilité des poules augmente et leur capacité d’adaptation baisse. Il est donc recommandé, dès le départ de la rotation, de planifier grossièrement l’alimentation et les mesures de soutien supplémentaires ultérieures.
Alimentation en phases des pondeuses
Pour faciliter la transition des poulettes à l’aliment spécifique pour les pondeuses, plus riche en calcium et en nutriments, il est judicieux d’utiliser un aliment de préponte, car ce dernier prévient une baisse de l’ingestion au début de la phase de ponte. Il convient de noter qu’en vertu du Cahier des charges de Bio Suisse, la part de grains dans la ration totale doit être d’au moins 5 %. En ce qui concerne le passage à l’aliment de démarrage, plus riche en nutriments, il se fait dès lors que la performance de ponte atteint 5 %, garantissant un apport optimal malgré une ingestion faible au début de la phase de ponte. Quant à la transition vers l’aliment de deuxième phase, elle est opérée avec succès lorsque les teneurs réduites en énergie et en protéine couvrent les besoins des poules ; ce faisant, il convient de tenir compte de plusieurs facteurs tels que l’ingestion, l’hybride, l’âge, la santé, la performance de ponte et la taille d’œuf souhaitée. L’objectif est d’obtenir une performance élevée sans surcharger le métabolisme par une densité nutritionnelle trop élevée.
Attention accrue en fin de ponte
Pour un troupeau en bonne santé dont la performance de ponte correspond à la courbe souhaitée, l’utilisation de l’aliment de fin de ponte commence à partir d’une ingestion journalière de 125 g pour les pondeuses blanches et de 130 g pour les pondeuses brunes. Cet aliment présente une teneur plus faible en protéine et en énergie, prévenant les excès de nutriments et diminuant le risque de stéatose hépatique ; de même, il affiche une teneur en calcium plus élevée, permettant de maintenir la qualité de la coquille. En effet, celle-ci étant composée à environ 94 % de carbonate de calcium, toute carence en cet élément amoindrit sa qualité. Un tel déficit peut survenir dans les cas suivants : baisse de la faculté de résorption du calcium de l’intestin, augmentation de la taille des œufs ou diminution de la capacité de mobilisation du calcium à partir des os avec l’augmentation de l’âge des poules. Si une carence en calcium est nuisible, un excès l’est aussi, car il réduit l’ingestion d’aliment. Ainsi, lors de rotations prolongées, il est essentiel de surveiller attentivement l’apport de calcium de même que d’autres éléments (tels que le phosphore et la vitamine D3) qui sont importants pour le métabolisme du calcium. Si nécessaire, un traitement contre la stéatose hépatique est également recommandé.
Approvisionner correctement les poules pondeuses en fin de ponte
Plus les poules pondeuses sont âgées, moins elles parviennent à valoriser le calcium. L’aliment de fin de ponte UFA 567 présente une teneur élevée en calcium, pour maintenir la qualité des coquilles, ainsi que des teneurs réduites en énergie et en protéine, pour éviter les excès.
La rotation prolongée comme opportunité
En Suisse, les poules pondeuses sont pour l’essentiel gardées selon modèle de rotation annuel (c.-à-d. jusqu’à l’âge de 68 e à 70 e semaines). Cependant, les hybrides blancs notamment présentent toujours des performances de ponte élevées à la fin de la rotation annuelle en raison de leur grande persistance, permettant d’envisager une rotation prolongée jusqu’à un an et demi sans pause de ponte. Cette pratique permet de mieux exploiter le potentiel génétique des poules et réduit également, compte tenu du nombre plus faible de poulettes à élever, la production de poussins mâles. Il s’agit d’un argument central au vu des prescriptions de Bio Suisse qui, à compter de 2026, exigeront d’élever les poussins mâles des races pondeuses. Or les performances d’engraissement de ceux-ci sont nettement moins bonnes que celles des hybrides d’engraissement, rendant cette opération coûteuse en termes de ressources et de finances. Ainsi, la prolongation de la rotation diminue les coûts d’animaux par œuf.
Assurer les pics de production, une gageure
Bien que la rotation prolongée comporte des avantages, elle comporte aussi des écueils, tels que la gestion des pics de production. Avec une rotation annuelle, une planification répétitive est possible, permettant d’axer la production sur les ventes de Noël et de Pâques. En revanche, en rotation prolongée, une planification rigoureuse, tenant compte d’éventuelles périodes vides prolongées, s’avère donc nécessaire pour couvrir les pics de demande en dépit du report de la production ; par ailleurs, en cas d’importantes pertes d’animaux, il se peut que le bâtiment soit sous-occupé plus longtemps et que la production s’écarte de l’objectif défini. Dans ce cas de figure, les erreurs de gestion ont des conséquences à plus long terme. Une gestion précise et une attention particulière portée sur la santé animale sont donc d’autant plus importantes pour maintenir la rentabilité.
Dans la pratique
La rotation prolongée pour exploiter le potentiel de performance
En 2018, Martin et Yvonne Tschann ont repris l’exploitation familiale d’une superficie de 18,3 hectares. Depuis, ils la gèrent selon le Cahier des charges de Bio Suisse. La même année, ils ont construit un poulailler de 2000 places pour les poules pondeuses. Outre la production d’œufs, la famille Tschann élève des bœufs de pâturage et pratique différentes grandes cultures. « La volaille m’a toujours intéressé et s’intègre bien dans la stratégie comme dans la taille de l’exploitation », explique Martin Tschann à propos du passage aux poules pondeuses. Les hybrides LSL-Classic de la rotation actuelle affichent une performance de ponte de 95 % à leur 65 e semaine. Le troupeau a été vermifugé une fois et a reçu un traitement contre la stéatose hépatique. Pour débuter, les animaux ont reçu l’aliment de pré-ponte UFA 561, ensuite l’aliment de phase de ponte 1 UFA 564. Vers la 40 e semaine, l’aliment de phase de ponte 2 UFA 566 leur est distribué. Depuis la 58 e semaine, l’aliment de fin de ponte UFA 567 est proposé avec une dose supplémentaire de grit calcaire moyennant le doseur d’additifs. « Je n’ai remarqué aucune différence lors du passage à l’aliment de fin de ponte et suis très satisfait jusqu’à présent », commente le chef d’exploitation. Le mélange de grains UFA 504 est administré au moyen d’un distributeur automatique.
« Avec trois rotations prolongées, nous économisons un troupeau en quatre ans. »
Martin Tschann, agriculteur
D’entente avec le marchand d’œufs et compte tenu de la prochaine interdiction de tuer les poussins mâles à partir de 2026, la famille Tschann prévoit donc une rotation prolongée jusqu’à la 82 e semaine. « Ainsi, avec trois rotations prolongées, nous économisons un troupeau en quatre ans », se réjouit Martin Tschann ; cette façon de faire permet d’utiliser les ressources avec plus d’efficience et de travailler plus longtemps avec les mêmes animaux. En revanche, elle présente selon l’agriculteur des inconvénients tels que la baisse de la qualité des coquilles ou les pics de travail au printemps ou en automne dus au décalage des mises en place et des sorties. Il précise à ce propos : « Jusqu’à présent, la proportion d’œufs fêlés est très faible. Espérons que cela tienne ». C’est pourquoi l’accent est mis sur un apport de calcium adapté aux besoins. Mais le choix des futurs hybrides laisse aussi l’agriculteur dubitatif : les hybrides blancs se prêtent certes bien à une rotation prolongée, mais ils ne seront plus disponibles pour les producteurs·trices bio à partir de 2026 en raison des gains quotidiens trop faibles des mâles. L’avenir dira si la rotation prolongée avec d’autres hybrides est possible et comment elle se déroulera.
Yvonne et Martin Tschann avec leurs deux filles Delia et Ladina.